- Camille MARQUETTE
- Coach Agile / Scrum Master
- Membre de Nord Agile
J’interviens en ce moment chez un client en pleine transformation agile (SAFe et SCRUM) en tant que coach agile sur des équipes à des niveaux d’appropriation de la démarche plus ou moins élevés. Au sein du GAG, nous considérons nécessaire de passer par une phase d’observation ( 2 semaines dans le contexte de cette mission) pour en ressortir avec une roadmap des premiers axes et problématiques sur lesquels nous pouvons intervenir et aider l’entreprise.
Je vais vous détailler dans cet article comment j’ai réalisé cette phase d’observation et pu aboutir à un plan d’actions priorisées, en accord avec le client.
Le grand saut
Comment s’intégrer dans un dispositif, sur plusieurs équipes, elles-mêmes basées sur plusieurs sites ?
Tout d’abord, avoir un sponsor, qui vous aide à intégrer celui-ci et à donner de la légitimité à l’intervention, surtout dans cette phase d’observation. Il pourra définir la liste des rôles clefs, et vous aider à rencontrer toutes ces personnes. Au fur et à mesure de l’intégration dans les équipes, vous aurez sûrement des personnes non prévues dans le planning que vous aimeriez interviewer, n’hésitez pas à leur proposer un rendez-vous.
Le Gemba walk (observer les équipes dans leur quotidien et les questionner sur leurs pratiques) permet ensuite d’avoir une vision du terrain assez rapidement, sur les interactions entre développeurs, avec leur PO, Scrum Master, les autres équipes, etc… Dans ce cadre plus précis, le fait de changer de place quand possible et de ne pas rester isolé m’a permis d’avoir des retours que je n’aurai peut-être pas eu autrement !
Vous pouvez en apprendre plus sur le Gemba Walk en lisant l’article de Nicolas Tondeur sur le sujet: https://nicotondeur.fr/index.php/2020/09/17/un-gemba/
La puissance du café
Il ne faut pas sous-estimer les moments de partages dans les équipes. La pause café par exemple, permet de connaître, et de se faire connaître, par les équipes de développements. Cela m’a permis de créer et renforcer les liens avec elles. J’ai pu en apprendre plus sur leur fonctionnement au quotidien, entendre des mots clefs ou des termes que je ne connaissais pas et j’ai pu poser des questions (sur l’instant ou un peu plus tard). C’est aussi le moment où j’ai détecté de potentiels problèmes ou irritants au sein des équipes. Là aussi, cela m’a été utile soit pour rebondir sur le sujet et demander plus de détails, soit pour le mettre de côté afin de l’aborder lors d’un point prévu avec l’équipe pour ne pas déranger leur instant de pause.
C’est aussi un bon moment pour les équipes pour venir vers vous, et vous poser des questions du type : « dans cette situation, je fais comme ceci, mais je me demande si c’est vraiment la meilleure solution, qu’est ce qui est prévu dans la démarche Agile ? ». Lorsque je me retrouve dans cette situation, c’est le bingo ! Cela permet d’apporter quelques réponses si c’est un sujet simple, ou de proposer de l’approfondir après la pause. Dans ce cas de figure, j’ai été identifié comme un Coach Agile accessible et les autres personnes qui ont participé à la pause café se disent qu’ils pourront me solliciter facilement. La première étape d’intégration est dans ce cas bien engagée !
Faciliter, c’est bien !
J’ai utilisé le bilan Cardiag, un outil créé par le GAG et qui m’a aidé à faciliter la phase d’observation. L’outil est simple :
- Il vous propose de discuter autour d’affirmations ironiques ou humoristiques et gardez ensuite de côté celles qui s’appliquent à votre équipe / organisation.
- À la fin de l’atelier, les phrases ainsi sélectionnées se regroupent en thèmes.
- Chaque thème vous propose alors des retours d’expérience et des H@cktivités afin de travailler avec vos équipes.
J’ai ainsi pu créer un parcours H@coeur (dont une partie visible avec l’image plus bas), puis lancer différents ateliers avec les équipes. À noter que l’on peut directement écrire un compte rendu sur chaque atelier réalisé, cela m’a permis de ne pas me perdre parmi toutes les équipes accompagnées et de suivre l’avancement sur chaque thème.
Voici le lien qui le décrit plus en détail : https://www.hacoeur.biz/hacktivite-bilan-cardiag/
Création du rapport d’étonnement
Dès le départ, j’ai créé un tableau “ConceptBoard” représentant l’organigramme de toutes les équipes accompagnées. Dans chacune d’elles, j’y renseigne leurs membres ainsi que leur rôle. Cela permet de donner une vision d’un grand dispositif très tôt, et de noter (avec des panneaux, en rouge, etc…) les questions et trous dans les connaissances que j’ai sur le dispositif. Ainsi, même si je passe d’une équipe à une autre et change de sujets plusieurs fois par jour, j’ai pu centraliser mes questions et manques et être sûr de ne pas oublier certains points. Après chaque interview ou échange avec une personne, il ne faut alimenter ce tableau qu’avec les informations importantes, que ce soit sur les pratiques agiles de l’équipe, des problématiques organisationnelles ou humaines détectées, etc…
Voici un exemple très simplifié du board que j’ai créé :
À la fin de mon délai d’observation, le tableau était rempli, et il m’a suffi de garder les informations les plus importantes pour les reporter dans mon rapport d’étonnement.
Je conseille un format slide pour créer ce rapport d’étonnement. Voici un plan type qui me paraissait intéressant dans mon contexte :
- Slides donnant une overview de la période d’observation (nombre d’interviews, équipes observées, outils observés, etc…)
- Slides décrivant les pratiques Agiles des équipes centrales au dispositif
- Slides décrivant plus en détail les potentiels rôles, rituels, organisations où il y a des besoins d’amélioration
- Slides décrivant les équipes gravitant autour du dispositif, et les potentiels besoins, axes d’amélioration, tant au niveau de l’adoption de la démarche que dans la mise en place de pratiques spécifiques
- Synthèse des demandes exprimées par les équipes, et de vos axes d’intervention supplémentaires jugés prioritaires
- Slide décrivant les sujets pas encore explorés. Cela peut être par exemple des rituels qui n’ont pas encore eu lieu depuis votre arrivée ou encore des personnes pas encore rencontrées.
La bonne utilisation de la communication visuelle me semble importante sur cette étape. À ces points s’ajoutent les irritants, que l’on peut intégrer dans chaque thème, en faisant attention à la façon dont ils sont mis en avant (même code couleur, encadré, image, etc…). J’avais beaucoup de choses à vouloir partager lors du point de restitution en seulement 1h pour présenter 16 slides sur mes observations sur tout le dispositif chez mon client.
Il faut tout d’abord ne pas noyer les participants sous les informations et être très lisible, claire et illustrer si cela aide à la compréhension dans les slides. J’ai privilégié des slides avec peu de points pour que les participants ressortent avec l’essentiel des informations à retenir.
Un rapport c’est bien, mais on en fait quoi ?
Ce rapport d’étonnement est la concrétisation de deux semaines d’observations, de questionnements et de réflexions. Il est très important, car c’est souvent le premier livrable attendu par le client lorsque l’on intègre ce type de dispositif. Cela marque le point de départ des actions majeures de l’accompagnement et de la transformation. C’est le moment où je le présente et j’échange avec mon sponsor et les parties prenantes du dispositif (chef de programme, PO, architectes, RTE …) pour savoir s’ils sont en phase avec mes remarques, s’il faut aller plus loin sur certaines de mes analyses, ou même échanger sur des problématiques sur lesquelles nous ne sommes pas d’accord.
L’objectif à la fin de ce point est d’obtenir une vision partagée des axes importants sur lesquels je dois travailler, et valider l’importance et la suite de ma mission dans le dispositif avec des actions concrètes.
Quelle est la suite ?
J’ai construit la roadmap de mes actions sur le court et le moyen terme, les actions du quotidien et les sujets de fond à suivre en parallèle de mes tâches quotidiennes. Mon rapport d’étonnement contient sûrement beaucoup d’axes potentiels d’amélioration, et il est très important de créer son propre backlog de sujets et de le faire vivre. Il me semble aussi important d’ajouter à cela des indicateurs vous permettant de valider l’efficacité des améliorations mises en place (ou leur non-efficacité). J’ai essayé plusieurs méthodes, en cherchant celle qui s’interface le mieux avec mon client.
Quels outils pour gérer son backlog ?
J’ai tout d’abord utilisé Taiga (https://www.taiga.io) pour me créer un backlog personnel et partageable avec mon sponsor ainsi que mes collègues Agilistes Nextoo, avec qui j’échange régulièrement. Après tests, c’est bien de l’utiliser pour créer et prioriser les sujets, mais sans rentrer dans le détail des tâches. Je l’ai abandonné, car cela faisait un outil supplémentaire pour mon client et que beaucoup de mes “Features” restaient dans l’état “Doing” pendant très longtemps, ce sont des sujets en perpétuelle amélioration. J’utilise actuellement un simple excel avec mon sponsor, où j’indique les travaux réalisés et les avancées sur les gros objectifs, semaine après semaine. Cela est très simple pour lui et nous permet de voir les avancements dans un seul document.
Pour m’aider au quotidien, j’utilise le board décrit plus haut avec l’organigramme et les réunions. Je l’alimente au quotidien avec toutes les idées et remarques, que ce soit sur une équipe, une personne, un rituel, un atelier, etc … Cela me permet en plus de mes gros sujets de fond d’avoir un espace unique dans lequel toutes les “petites” actions que je peux réaliser pour accompagner les équipes sont consignées. Cela devient une sorte de backlog beaucoup plus graphique et simple pour moi à utiliser au quotidien.
Bilan personnel
Lorsque vous intégrez un projet ou un dispositif, vous êtes la plupart du temps une personne étrangère à celui-ci. Votre phase d’observation est souhaitée rapide et efficace (2 semaines dans mon cas), et les différentes techniques décrites précédemment m’ont aidé à en sortir avec de bons résultats et sur une bonne lancée pour la suite de la mission. J’ai essayé pas mal d’outils et je n’ai surtout pas hésité à en abandonner si besoin, pour être le plus efficace possible dans le contexte de mon client. C’était pour moi une période très intense avec beaucoup de personnes à rencontrer (pratiquement 20 interviews sans compter les développeurs), où il a fallu que je sois rigoureux sur mon organisation, ma prise de notes, mon analyse et pour en tirer les bonnes conclusions. Cette expérience a été très stimulante et il faut être prêt à emmagasiner beaucoup de connaissances, d’autant plus que j’entrais dans un domaine fonctionnel que je ne connaissais pas du tout ! Cet exercice d’observation n’est pas quelque chose de régulier (potentiellement une fois à chaque nouveau dispositif/client), mais je le referai avec plaisir si l’occasion se représente, tant cela est stimulant et apporte de nouvelles choses pour moi.
J’espère que ce retour vous donnera quelques idées intéressantes pour être efficace durant cette période particulière pour un coach !
Cet article vous a été utile?
Cliquez sur un cœur pour voter.
H@cktivités Sur les mêmes thèmes
H@cktivité – Cartzzle
Comment nous utilisons le jeu de société Cartzzle pour parler de l'importance de la vision dans la gestion de projets
C'est parti >H@cktivité – KiKaVuKoi
KiKaVuKoi est un micro atelier / Icebreaker permettant de parler perspective et point de vue avec les équipes.
C'est parti >H@cktivité – Twin It
Découvrez l'utilisation du jeux de société Twin-It comme proposé par Edouard Perin et qui permet de mettre en évidence l'interêt des cycles courts.
C'est parti >H@cktivité – Free Your Skills
Un serious game pour discuter gestion et transfert des compétences, en équipe, dans l'organisation. Quel impact sur la production? Quelle efficacité?
C'est parti >H@cktivité – Rétrospective Fast and Furious
Cette rétrospective sur le thème des films Fast and Furious propose à l'équipe de trouver des actions d'amélioration de leur fonctionnement.
C'est parti >H@cktivité – Hackons des jeux de société – L’atelier
Faire dialoguer les équipes projet avec les équipes agiles? Quels sont les manques de votre organisation en transformation dans sa gestion projet?
C'est parti >H@cktivité – COPRA
Faire dialoguer les équipes projet avec les équipes agiles? Quels sont les manques de votre organisation en transformation dans sa gestion projet?
C'est parti >H@cktivité – Roule ta bille
L’atelier permet de se rendre compte de l’importance de la communication entre les équipes.
C'est parti >H@cktivité – Antidette – V1.0
La dette technique vous étouffe? Votre productivité est en berne? Antidette peut vous aider à montrer à vos équipes l'impact sur votre produit!
C'est parti >